Analyse des 9èmes assises des délais de paiement et des financements
Le jeudi 10 novembre 2022 se sont tenues les 9èmes assises des délais de paiement et des financements coorganisée par la FIGEC (Fédération nationale de l’Information d’entreprise, de la Gestion de créances et de l’Enquête Civile) et l’AFDCC (Association Française des Credit Managers) dans les locaux du MEDEF. Au programme de cette matinée d’échanges, 4 tables rondes :
- Conjoncture économique et délais de paiement : Quels impacts sur la trésorerie des entreprises ?
- Délais de paiement et impact sur l’écosystème fournisseurs : Quel rôle pour les grandes entreprises ?
- La charge de la dette sur les entreprises est-elle préoccupante ? Quelles mesures adopter ?
- Financements : Nouvelles solutions et nouveaux moyens de paiement
Ces discussions ont permis de rassembler les représentants des différents acteurs économiques concernés par les délais de paiement interentreprises. Etaient notamment présents lors de cet événement la ministre déléguée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, Olivia Grégoire, Nicolas Flouriou, président de l’AFDCC, Jeanne-Marie Prost, présidente de l’observatoire des délais de paiement et Charles Battista, président de la FIGEC. LeanPay a pu assister à ces échanges, en voici notre compte-rendu :
Quelle est la situation des entreprises françaises au T3 2022 ?
Des défaillances en hausse mais une situation qui reste rassurante
Ces assises des délais de paiement et des financements s’ouvrent sur un constat : l’année 2022 se clôture mieux que ce qui était attendu. En effet, la vague de faillites annoncée depuis maintenant plusieurs mois n’a pas eu lieu, notamment grâce au prolongement des aides de l’État. Il n’est néanmoins pas impossible qu’une hausse des défaillances survienne dans les mois ou années à venir. L’important est de réussir à savoir ce qu’il en sera concrètement et à quel point les PME seront touchées par cette évolution.
Les retards de paiement accélèrent de 25% les faillites d’entreprises. C’est pourquoi, il est essentiel de sensibiliser les entreprises sur la question de l’allongement des délais de paiement. Aujourd’hui, elles sont encore trop nombreuses à tirer sur ces délais pour combler leur besoin en trésorerie. Pour preuve, un chiffre édifiant : le crédit interentreprise représente aujourd’hui 700 milliards d’euros.
De nouveaux risques viennent fragiliser les entreprises
À ces observations s’ajoutent de nouveaux risques qui pèsent sur les finances des entreprises. L’un d’entre eux étant l’énergie. L’augmentation de son coût depuis le début de l’année 2022 risque de poser problème dans les mois à venir. En effet, les entreprises n’ont pas reçu les aides nécessaires à temps pour faire face à cette augmentation et il est devenu impossible de maîtriser la variation du coût de l’énergie dans les budgets prévisionnels. Ce qui en fait un facteur de risque supplémentaire.
À l’augmentation tarifaire de l’énergie s’ajoute également le remboursement du PGE (Prêt Garanti par l’Etat) dont de nombreuses entreprises ont bénéficié pour survivre à la crise sanitaire. Il faudra rester vigilant à ce que ce remboursement n’entraîne pas de nouvelles difficultés. Il subsiste un point sur lequel la majorité des intervenants s’accordent : la situation en France n’est pas alarmante mais les programmes de soutien aux entreprises sont trop lents et arrivent souvent trop tard pour être efficaces.
Un renforcement des contrôles pour sanctionner les mauvais comportements
Parmi les mauvais comportements de paiement observés, une réserve demeure. Il est important de différencier les mauvais payeurs qui ne peuvent pas mieux faire de ceux qui ne veulent pas changer leurs habitudes de paiement. Un point sur les derniers contrôles de la DGCCRF, présenté par Jeanne-Marie Prost, permet de mettre en lumière la part d’entreprises qui ne jouent pas le jeu concernant le respect des délais de paiement.
Au T3 2022, la DGCCRF a contrôlé 870 entreprises. Parmi elles, 25% étaient en infraction et 141 ont reçu une amende pour un montant total de plus de 12 millions d’euros. À ce jour, encore 75 contrôles sont toujours en cours et pourraient mener à des sanctions s’élevant à 11 millions d’euros.
Des secteurs plus fragilisés que d’autres par la situation
L’intervention de François Villeroy De Galhau, Gouverneur de la Banque de France, a permis d’apporter un éclairage sur la dynamique de croissance des entreprises françaises. Bonne nouvelle pour celles-ci : la reprise économique est bien là et les chiffres le montrent. Sur l’année 2021, le chiffre d’affaires des PME a augmenté de 11,2%, renforçant leur taux de marge ainsi que leur rentabilité.
Cette évolution économique montre que les sociétés ont la capacité de tenir face aux difficultés qui peuvent survenir et leur endettement reste alors contenu. Néanmoins, certains secteurs restent moins bien logés que d’autres avec notamment le secteur de la construction qui souffre d’un décalage très important entre les délais de paiement et la trésorerie disponible.
Ces données mettent en avant un problème de fond dans les comportements de paiement des entreprises françaises.
“Les délais de paiement constituent aujourd’hui un véritable thermomètre de notre économie et les retards sont un fléau qui conduisent même des entreprises viables à la défaillance.” Olivia Grégoire, ministre déléguée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
Les grands groupes pointés du doigt
Un élément qui a fait consensus au cours des discussions lors de ces assises des délais de paiement, c’est le cas des grands groupes. Il existe encore un décalage des délais de paiement entre les grosses structures et les PME et ETI d’environ 3 à 5 jours. Madame la Ministre évoque même des comportements irresponsables de certaines entreprises qui mettent en danger de plus petites structures.
Les données fournies par le cabinet d’études Altares sur cette situation permettent de mettre en perspective ces décalages selon la taille de l’entreprise. Une réponse à ce décalage des comportements peut être trouvée dans la complexité administrative des grandes structures. Une organisation qui retarde les paiements notamment à cause des longueurs de traitement des demandes par les services internes.
Cette dégradation des comportements de paiement des grandes entreprises est d’ailleurs un phénomène de longue date. Ce ne sont donc pas ces structures qui participent à la baisse des délais de paiement mais plutôt les efforts des PME et ETI sur ces dernières années.
La mise en place généralisée la facturation électronique en 2024 devrait amorcer une amélioration de cette situation mais il est difficile d’être positif à ce sujet. En effet, l’instauration de la facturation électronique s’est progressivement faite, depuis son annonce en janvier 2020, et ce sont les grandes entreprises qui ont dû se mettre en conformité le plus rapidement. Malheureusement, bien qu’ayant déjà adopté ce dispositif, leur comportement de paiement ne s’est pas amélioré.
“Si demain les gens payent à l’heure, c’est 12 milliards d’euros dans les caisses des PME” Charles Battista, président de la FIGEC
Des propositions pour améliorer les comportements de paiement en France
Ces échanges avaient pour objectif de présenter les différentes solutions possibles pour améliorer les délais de paiement interentreprises. Certaines de ces propositions font déjà l’objet de dispositifs actifs tandis que d’autres doivent encore être étudiées pour aboutir à des solutions concrètes et actionnables pour les dirigeants d’entreprises.
Un durcissement des sanctions
Un premier point soulevé notamment par Madame la Ministre, c’est le manque d’efficacité de la stratégie de “name and shame” que pratique la DGCCRF. En effet, la page web recensant les entreprises ayant fait l’objet de sanction pour non respect des délais de paiement n’est pas assez consultée. C’est pourquoi, une proposition de publication dans la presse quotidienne des dernières amendes prononcées ainsi que le nom des entreprises concernées est défendue par Madame la Ministre depuis la loi Pacte. Concernant les collectivités territoriales, le constat est le même. Les données relatives aux délais de paiement fournisseurs devraient être accessibles en open data.
Dans cette même dynamique de renforcement des dispositifs déjà existants, la Banque de France expérimente une nouvelle méthode de notation FIBEN. Ce nouvel indicateur, présenté par François Villeroy De Galhau, prendrait en compte le suivi des délais de paiement des grandes entreprises et des ETI. La notation de ces dernières serait ensuite ajustée selon leur comportement de paiement. À titre d’exemple, une entreprise verrait sa notation réduite d’un cran si ses retards de paiement sont supérieurs à 10 jours. Une pénalité importante car elle pourrait empêcher certaines structures d’obtenir des financements.
La sensibilisation par l’exemple
À l’inverse des propositions évoquées ci-dessus, des dispositifs permettent actuellement de récompenser les bons comportements. Cette méthode, plus douce, s’appuie sur la conviction qu’un cercle vertueux peut découler de ces comportements exemplaires.
Des organismes tels que la médiation des entreprises ou Pacte PME œuvrent à faire changer les relations client/fournisseur notamment entre les grands groupes et les PME. L’objectif de cette démarche est de considérer ces relations non plus comme simplement commerciales, mais comme stratégiques pour le bien-être de l’écosystème.
La publication annuelle d’une étude sur les comportements de paiement par Pacte PME en collaboration avec le cabinet d’étude Altares va dans ce sens. Philippe Luscan, président de Pacte PME, précise que cette parution est l’occasion de partager aux entreprises les “best practices” en matière de comportement de paiement et ainsi montrer l’exemple.
Pour aller plus loin dans ce système de récompense, la création d’un label a été évoquée. Le but serait ici de donner aux entreprises qui respectent les délais de paiement de leurs fournisseurs une certification qui mettrait en avant leur bonne attitude. Ces entreprises seraient dès lors des partenaires à privilégier pour de futurs échanges commerciaux.
Une volonté commune d’intégrer de nouveaux outils
Pour clôturer cette matinée d’échanges, ce sont les outils à la disposition des entreprises pour faire face aux retards de paiement qui ont été évoqués. En effet, si on veut que les comportements de paiement des entreprises s’améliorent, il faut leur donner les clés pour y arriver. Laurent Playez, Head of B2B Europe Global Commercial Services chez American Express, remarque d’ailleurs une réelle tendance au sein des sociétés qui souhaitent s’équiper pour faire face aux nouveaux enjeux.
Les outils et méthodes de suivi du poste client et de paiement des factures actuellement en place ne sont pas assez efficaces. Les procédures sont trop complexes et amènent les entreprises à mettre du temps à payer leurs fournisseurs. Il faut donc simplifier ce flux. Des outils tels que LeanPay permettent justement de fluidifier ce processus et notamment :
- Le paiement des factures fournisseurs par les clients : chaque client relancé avec LeanPay a la possibilité d’accéder depuis les mails de relances à une plateforme de paiement en ligne sécurisée pour régler ses factures. Cette fonctionnalité est très simple à utiliser car il suffit au client relancé de cliquer sur le bouton “payer mes factures” présent dans le mail de relance. Il peut ainsi choisir le moyen de paiement qui lui convient (e-virement, carte bancaire, prélèvement) et procéder au règlement de sa créance.
- Le suivi des factures : en rassemblant sur un tableau de bord différents indicateurs (balance âgée, évolution du DSO, prévisionnel d’encaissement…) qui permettent aux entreprises d’avoir un aperçu en temps réel de leur poste client.
- La relance des clients : grâce à la possibilité d’automatiser et de personnaliser l’envoi de relances clients, tous les retards de paiement sont identifiés et relancés.
En conclusion de cette matinée d’échanges, une chose à retenir : l’amélioration des délais de paiement ne sera possible que si tous les acteurs économiques concernés agissent avec solidarité.